Abuja Arts and Crafts Village : la chute d’un centre touristique au Nigéria

Article : Abuja Arts and Crafts Village : la chute d’un centre touristique au Nigéria
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12 octobre 2023

Abuja Arts and Crafts Village : la chute d’un centre touristique au Nigéria

Souvent qualifié de « plus grand centre artistique », le Village des Arts et Métiers, situé à Abuja, est l’un des centres touristiques les plus prisés du nord du Nigeria. Il abrite une collection d’œuvres, d’artefacts et de reliques datant de la guerre civile qui a éclaté il y a plus de cinquante ans. Ces trésors sont proposés à la vente par des artisans locaux et des étrangers francophones. Le village a vu le jour en 2003 lors d’une réunion du Commonwealth à Abuja, et il est actuellement géré par le Conseil National des Arts et de la Culture.

Abuja Arts and crafts village By Abiodun Sanusi

Cependant, il est regrettable que l’accès à des informations détaillées sur le village soit limité, car il ne dispose pas d’un site web opérationnel dédié. D’après la dernière information disponible, le village se trouvait dans le quartier de Wuse, au cœur d’Abuja, bien que l’emplacement ait été modifié à plusieurs reprises. Lien vers Google Maps.

En dépit de ces difficultés d’accès aux informations, une visiteuse qui s’est rendue au village l’année dernière a partagé son expérience sur Twitter, soulignant l’impressionnante nature de cet endroit.

P.S. Le Village des Arts et Métiers a été fermé en 2018 par le Conseil National des Arts et de la Culture sous la direction d’Otunba Olusegun Runsewe.

Pourquoi le village a-t-il été fermé ?

Selon les rapports en ligne et dans les médias, M. Runsewe a évoqué plusieurs raisons pour cette fermeture, notamment la sous-location illégale des magasins, le trafic d’armes, de stupéfiants et de véhicules volés (source). Bien que M. Runsewe ait annoncé en 2022 que le village avait rouvert, aucun de ses plans n’a encore été mis en œuvre. Ces plans incluent des améliorations telles que la création de toilettes, de parkings, d’une pharmacie et d’un centre d’information et de réclamation.

Le 26 juillet 2023, lors d’une visite au village, près d’une succursale bien connue de ShopRite, j’ai été surpris de découvrir un panneau indiquant « Abuja Arts and Crafts Village ». Cependant, l’entrée était déserte, à l’exception d’une voiture noire de marque Nissan garée devant le panneau. Un gardien du portail m’a informé, avec sarcasme, que le village avait été déplacé à l’intérieur du centre commercial.

Malgré la confusion, j’ai gardé espoir et continué à explorer. Cependant, rien n’a changé sur Google Maps. Il est possible que les responsables ne mettent pas régulièrement à jour les informations. Finalement, j’ai dû quitter le site et chercher d’autres renseignements.

Un choc inattendu

Je suis arrivée au village vers 10 h 30 du matin, mais rien ne pouvait me préparer à ce que j’ai vu. La réalité ne correspondait pas du tout à mes attentes. Le village, censé être une grande communauté d’artistes en plein air, n’occupait qu’environ la moitié de la superficie d’un terrain de football. L’ensemble de l’espace était géré par un homme âgé, apparemment seul. Les divers artisans français et anglais étaient introuvables. Mon hôte semblait avoir au moins soixante-cinq ans et était visiblement atteint d’une maladie rhumatismale non traitée.

Il y avait néanmoins des œuvres d’art à admirer, allant des peintures aux sacs en soie, en passant par les paniers locaux, les bouilloires en argile, les sculptures, les colliers, les pierres précieuses et les objets en argent ancien. Cela m’a donné l’impression d’être projeté dans le passé.

Un aperçu du village des arts et métiers. Il se trouve au quatrième étage d'un centre commercial
Un aperçu du marché par
Fatima Okhuosami

J’ai salué Baba (comme je l’appellerai dans la suite de cet article) et j’ai commencé à explorer les marchandises, prenant des photos tout en me demandant si cela était autorisé. En l’espace de sept minutes, j’avais fait le tour du village, qui était étonnamment petit.

Les prix exorbitants

Désireux de conversation, j’ai décidé de devenir un ami de mon hôte. J’ai touché une peinture de palmiers à côté d’une rivière. Son prix a gelé le sang dans mes veines ! Mes genoux sont devenus doux comme des pâtes bien cuites. C’est à ce moment que j’ai réalisé l’ampleur de différence entre un village en plein air et un espace à l’intérieur d’un centre commercial. Notamment l’effet négatif du paiement des loyers exorbitants sur les prix. Ce sont les consommateurs d’art qui souffriront.

Je suis passé des peintures aux sacs, des porte-monnaie, des robes, même des colliers, plein de peur de leurs frais si je demande. Avant que la tristesse ne puisse complètement me submerger, j’ai remarqué une écharpe en la plus douce soie. Dans ma couleur préférée, turquoise. Je l’ai pris et je me suis dirigé vers les paniers.

Au village, des paniers peints à la main restent sur la terre
Des paniers peints à la main par
Fatima Okhuosami

Ce n’était que moi et Baba dans le marché. Je l’ai posé quelques questions qui ont révélé une carence dans sa compréhension d’Anglais. Pas de problème. Un sudiste comme moi devient une autorité en langue vernaculaire en enfance. À cause de ma timidité ou un soupçon qu’il soit Nigérian comme moi, je n’ai essayé le français.

Un miroir de longueur murale dans le coin dédié aux produits ménagers a attiré mon attention, mais cela valait un prix effrayant. J’ai trouvé un beau bracelet qui était moins cher que ses collègues. Et Baba a accepté de réduire la taille pour moi.

Alors qu’il travaillait avec son aiguille et un fil, notre discussion avançait. Il m’informait que les officiels de l’état les ont poursuivis de leurs derniers espaces à Jabi et Idu ; « le gouvernement voulait leur terre donc nous sommes partis »

Le nouvel emplacement en face du centre commercial est enfermé en raison d’un procès entre le gouvernement et leur syndicat. Je l’ai dit ; « par la grâce de Dieu, cette nouvelle administration sera meilleure que celle sortante. » Baba était très heureux d’être d’accord. Au moins, il m’a dit, « le coût de mes marchandises diminuera et tu pourras en acheter plus. » J’ai souri.

Ces vêtements sont disponibles au village des arts et métiers, mais ils sont très chers.
Des vêtements et des bijoux par
Fatima Okhuosami
Des bracelets en plastique et en argile au village des arts et métiers
Un recueil de bracelets par
Fatima Okhuosami

Un visiteur

Lors de notre discussion, une femme blanche d’âge moyen est entrée dans le marché. Baba a abandonné ses outils et il a crié en anglais parfait : Good morning Madam. What can I do for you today ? Mais le visiteur n’a pas pris la peine de répondre ou de reconnaître notre présence.

À la section réservée aux argents qui ne sont plus utilisés, Baba m’a expliqué que les étrangers achètent la plupart d’eux comme souvenirs. Le téléphone portable de notre visiteur a sonné. Elle a pris l’appel, a dit quelques mots et elle est partie. Il n’y avait pas de temps d’appeler le vendeur en charge de pièces. Les choses qu’elle voulait apparemment acheter.

Au village, ils sont vendus par des commerçants locaux
Des sculptures, des pierres précieuses et des coins par
Fatima Okhuosami

Il devrait se reposer, je pensais, en regardant Baba. Il déplace des tables, organise des peintures, aménage le coin pour les marchandises, etc. Même-si des vieux doivent travailler, ces types de tâches sont peut-être trop stressants.

La liste de mes achats :

  1. Un petit panier en raphia. Je l’utilise pour le stockage de ma crème corporelle, ma crème solaire, des batteries, un étui aux lunettes et un tube de dentifrice.
  2. Une boucle d’oreille. Je le donnerai à mon collègue comme un cadeau d’anniversaire.
  3. Une petite peinture. Il est resté une semaine, sur le mur de ma chambre.
  4. Mon bracelet noir bien sûr.   
Une peinture d'arbres près de la rivière
Une peinture par
Fatima Okhuosami
Un pannier en raphia.
Un panier plein de choses par
Fatima Okhuosami

L’avenir réserve quoi au village des arts et métiers ?

Afin de garantir le succès d’un village des arts et métiers, il faut avoir les artistes/artisans, les fabricants, les commerçants, et les petits magasins. Bien que le village à Abuja possède tous ceux qu’il a besoin de devenir autosuffisant, son progrès est constamment frustré par le gouvernement. Un grand pourcentage de Nigérians vit sous le seuil de pauvreté. Ceux qui voudraient d’acheter des artisans n’ont pas les moyens. Quant aux artisans qui restent fidèles, ils doivent partager une petite espace au quatrième étage d’un centre commercial qui n’attire pas beaucoup de visiteurs. Comment survivent-ils ? C’est absurde.

Dans un très proche avenir, j’espère surtout qu’il y aurait un accord entre le gouvernement et le syndicat des artisans qui va garantir un marché florissant. Je rêve d’un endroit où une large gamme de sculptures est fabriquée, des consommateurs testent leurs pouvoirs de négociation, et des étrangers unissent avec des Nigérians. Les gitans qui vendent des concoctions polyvalentes. Des voleurs. Des policiers. Beaucoup de bruits. Il deviendra une réalité, nous l’espérons.

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